Giuseppe Bergman – Le rêveur illimité

« Cela vous plaît, M. Bergman ? », interroge l’indien qui vient, d’un souffle de sarbacane, d’envoyer une généreuse dose de yopo au fond des narines du héros de Milo Manara. Oh oui, la drogue des chamanes lui plaît, à Giuseppe Bergman ! Comme lui plaisent, de Vérone aux rives de l’Orénoque, à peu près tous les avatars grisants, exotiques ou sensuels de cette grande Aventure qu’il a tellement désirée. Car voilà bien ce qu’il cherche, cet enfant des seventies, lorsqu’il s’exclame « Y’en a marre ! » dès la première planche de sa première sortie dans (À Suivre) : échapper à la routine, aux contraintes, à la violence, à l’argent, au travail, au réel, bref à tout ce que cette décennie riche en pesanteurs avait su inventer pour se rendre irrespirable. Incarnation moderne de l’antihéros, Bergman ignore encore ce que l’épreuve du terrain et le temps qui passe (ah, le matérialisme des années 80…) se chargeront de nous enseigner : l’aventure n’est peut-être bien que le suprême simulacre du spectacle marchand – une illusion supplémentaire. Fidèle à son rêve initial, Giuseppe Bergman s’échinera pourtant par la suite, des savanes africaines à la spiritualité indienne, à côtoyer à peu près tout ce que la carte de l’évasion compte d’archétypes, sans jamais réellement démasquer l’entité qui écrit, orchestre et contrôle cette vaste représentation sur la scène du monde. Candide tenace, éternel jouet de forces plus grandes que lui. Bref un homme, un vrai.

Première apparition : (À Suivre) 9, octobre 1978.

(AS)9 - Giuseppe Bergman

Nicolas Finet

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