Max Cabanes – “Toute cette équipe d’auteurs était en train d’inventer quelque chose de neuf”

Vous faites partie de la toute première vague des auteurs (À Suivre), puisque vous êtes présent dans le magazine dès son premier numéro, en équipe avec Jean-Claude Forest. Comment cette collaboration est-elle née ?

Max Cabanes : J’ai rencontré Forest de façon plutôt formelle, dans un cocktail qu’organisait Casterman avenue de l’Opéra à Paris, alors qu’il préparait déjà, avec le reste de l’équipe, le numéro zéro du magazine. Il cherchait un dessinateur pour travailler avec lui sur Le roman de Renart. Moi, je n’avais pas une très grosse expérience de la bande dessinée, que j’avais abordée en autodidacte et un peu par hasard non prescription viagra. J’étais brièvement passé par Pilote en 1973, puis j’avais vécu l’éphémère aventure de la revue Tousse Bourin et j’avais ensuite collaboré quelque temps à Fluide Glacial, où j’avais développé Dans les villages. Jean-Claude Forest connaissait manifestement mon travail, et m’a proposé le projet Renart.  

Vous étiez alors un jeune auteur, quelle image avait-il à vos yeux ?

Je n’ai pas tout de suite perçu la finesse de son travail graphique et saisi à quel point il avait des années-lumière d’avance. Mais en revanche j’ai immédiatement repéré la très grande qualité de ses textes et de ses dialogues. J’ai pris conscience de sa pointure progressivement, notamment grâce aux esquisses qu’il jetait sur le papier pour me guider dans mon travail. Ses images donnaient une impression de grande légèreté, mais je réalisais à quel point ce qu’il faisait était complexe et subtil. J’ai énormément appris à ses côtés, il m’a profondément marqué !

Comment avez-vous vécu votre arrivée au sein de l’équipe d’(À Suivre) ?

J’avais un certain trac, c’est le moins qu’on puisse dire ! Je me rendais compte que toute cette équipe d’auteurs était en train d’inventer quelque chose de neuf, d’ouvrir une voie, le principe de la bande dessinée-roman était en train de naître. J’étais totalement enthousiaste de rencontrer tous ces mecs, Tardi et les autres… Savoir par exemple que je publiais dans le même support que Pratt provoquait chez moi un sentiment de griserie. Bref, tout ça me paraissait complètement inouï…

Paradoxalement, toutes vos histoires publiées au cours des premières années d’(À Suivre) n’ont pas été éditées en album par Casterman…

Effectivement, ce sont d’autres éditeurs, comme Dargaud et Futuropolis, qui ont assuré la parution en albums de Renart ou des Rencontres du 3e sale type. Je n’ai jamais eu d’explications claires de Casterman à ce sujet. À l’époque, il y avait un double discours : officiellement on appréciait beaucoup mon travail, mais manifestement pas au point de le promouvoir et le défendre en librairie. En fait, mon premier album chez Casterman est finalement paru en 1989, c’est-à-dire plus de dix ans après ma première collaboration à (À Suivre). C’était Colin-Maillard.

Pourquoi et comment avez-vous, avec Colin-Maillard, pris ce virage autobiographique qui n’était guère courant à l’époque ?

En effet, pratiquement personne alors ne s’intéressait au genre autobiographique. Moi, au début des années 80, j’avais été très frappé par Paracuellos de Carlos Gimenez, l’un des premiers albums à aborder ce registre, que j’avais trouvé absolument magnifique. J’ai tout de suite eu envie de travailler dans le même esprit, et j’ai réalisé les premières histoires qui allaient ensuite composer Colin-Maillard. J’avais proposé les premières pages chez Dargaud. Francis Lambert, alors rédacteur en chef de Pilote, l’avait refusé pour le magazine, ainsi que Guy Vidal pour une édition en album. Et c’est finalement (À Suivre) qui a accepté le projet. Mon premier album Casterman a enfin vu le jour….

Avez-vous eu, au fil de ces années, le sentiment d’appartenir à une « école » (À Suivre) ?

Non, je ne pense pas avoir fait partie d’un groupe clairement identifiable. Les signatures qui faisaient école étaient celles de Tardi ou Pratt, j’étais atypique. Mais j’avais en revanche clairement le sentiment de côtoyer des artistes majeurs : Forest, Pratt, Tardi bien sûr, Jacques Lob, F’Murrr dont j’adore le travail, Rochette, Jean-Claude Denis, Jacques Ferrandez … Tous ces auteurs ont fait d’(À Suivre) un grand journal. Je suis assez fier de les y avoir côtoyés.

Nicolas Finet

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