L’Œil du Marmo, chapitre tri : Ode à Lolmède

C’est en farfouillant dans ses archives que l’on découvre parfois des trésors enfouis, disparus de sa propre mémoire pour diverses raisons… et des raisons souvent inexplicables [inextricables ?]. C’est à se demander si, dans les sélections qu’elle opère, elle [la mémoire en question] n’est pas franchement obscène. Donc, en préparation de plusieurs articles, je me suis mis en tête de trouver des documents rares sur René Goscinny. J’ai fouillé d’anciens cartons remplis de dossiers, et j’y ai trouvé des tas de choses inintéressantes, mais aussi des textes non aboutis, des copies d’articles passés en presse ou sur le net, des témoignages de dessinateurs pour un projet abandonné [sur Tardi ; pardon Charles et Jean-Christophe !], encore d’autres projets abandonnés, et ceci… un laïus maladroit écrit à l’endroit d’un certain Laurent Lolmède, il y a vingt ans, alors que ce dernier entamait sa série de recueils intitulée Moins X avant l’an 2000, chez Alain Beaulet éditeur. Soupir. Le temps passe. Cette vieillerie mal fagotée est encore lisible sur le site de sieur Beaulet : http://www.alainbeaulet.com/site.php?type=P&id=68

Lolmède est une espèce de Prince du quotidien comme son ami Placid, le dessinateur, l’a qualifié. Il est de ceux qui transforment le plomb en or, de ces alchimistes qui fondent la trivialité de nos vies en un magma de saga visionnaire [dixit Placid, encore]. Tout l’ennui, le côté rébarbatif d’un match de foot, du Tour de France, des repas de familles, des promenades dans les jardins publics, des courses au supermarché, etc., Lolmède les transcende en chef-d’œuvre. Il confie même une beauté certaine aux poubelles qui jonchent nos espaces communs. Il a été célébré aux Rencontres d’Aix en 2013 où, là-bas, on a pu dire de lui qu’il avait une « façon innée de raconter l’insignifiant », héritée de ses maîtres, Dubuffet, Bonnard et le chanteur Carlos. Et que son humour décapant, sous un trait acéré, n’était jamais condescendant. Car sous la trivialité de ses racontars, point de méchanceté gratuite, juste un regard tendre, certes caustique de temps à autre, sur des scènes du quotidien, que nous sommes tous, ou presque, amenés à apercevoir un jour.

Souvent copié, jamais égalé. Cet esprit décalé, faussement art brut, a en effet souvent été copié, mais personne n’a jamais su restituer ce que Lolmède donne de bon cœur dans ses bandes dessinées, dans ses croquis pris sur le vif, ses scènes encombrées de gens et de décors filaires, ses peintures, ou encore ses personnages en trois dimensions. Depuis 25 ans, le bonhomme est fidèle à ses engagements artistiques, à sa démarche autobiographique, et à la manière de la faire connaître. Même s’il s’autoédite moins souvent, il est publié par des amis, fidèles aussi parmi les fidèles, durant toutes ces décennies. Alain Beaulet bien entendu. Aussi Stéphane Blanquet, et son label indie United Dead Artists. Lolmède blogue de temps à autre en postant une photo, voire un dessin d’actualité, ou non. Il expose plus ou moins assidûment dans le triangle d’or Paris/Figeac/Nice. Des activités relatées selon l’envie sur le blog-notes : http://www.lolmede.mobi/blognotes/

Relire Lolmède est toujours aussi hilarant. Pour ce qui me concerne, je ne saurais que vous conseiller la lecture de ses abrégés minimalistes que sont Une brève histoire d’amour, et Une brève histoire de l’esclavage, aujourd’hui épuisés, et qui, en quelques pages seulement, dressent un incroyable panorama des sujets abordés. Pourtant difficiles à résumer.

À une autre époque, j’animais une émission de radio hebdomadaire et Lolmède était invité régulier. Nous parlions, nous mangions et buvions, en direct à l’antenne. Du saucisson et du cabécou [sans asticots, précisons] avec du pain frais. Des parties de rigolades, comme d’autres font des parties de pétanque. Une autre fois, connaissant mon goût immodéré, qui remonte à loin et ne se tarit pas, pour les disques et les pochettes délicatement ciselées, Lolmède m’en avait même dessinée une. Juste pour moi. Juste pour mon plaisir.

Je ne le remercierai jamais assez. Merci Laurent, si jamais tu me lis.

Nicolas Finet

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