Massimo Mattioli, 1943 – 2019

Magicien vous fûtes et magicien vous êtes resté, cher Massimo Mattioli. Et il m’a semblé, alors que nous vient le chagrin d’apprendre votre disparition, qu’il ne serait pas inutile de rappeler à quel point, pour nous autres qui avons eu le bonheur de découvrir la bande dessinée lors d’une période de fécondité exceptionnelle, au tournant des années 60 et 70 et alors que nous avions encore un pied dans l’enfance, vous y aviez joué un rôle singulier.

L’affaire s’est intitulée M le magicien… (les points de suspension ont ici leur importance) et s’est déroulée quelques années durant, de fin 1968 à fin 1973, dans les pages de Pif. Une livraison d’une planche hebdomadaire couleur – parfois étirée jusqu’à deux lorsqu’il s’agissait d’une livraison de Noël –, qui chaque semaine réussissait le tour de force d’instiller dans l’esprit des jeunes lecteurs une pure dose d’imaginaire, avec un mélange de jubilation et d’élégance dont nous pouvions pressentir, tout gamins que nous étions, qu’il était l’apanage des vrais grands.

Les personnages étaient simplissimes (un magicien, son chapeau, sa baguette, quelques fleurs, un château, des extraterrestres, des insectes, un volcan, un caméléon, notamment)  et les situations tout autant – et pourtant il n’y manquait rien, ni la fantaisie, ni le nonsense, ni la poésie, ni l’hommage discret aux anciens – Herriman et son Krazy Kat, Tex Avery, Johnny Hart –, sans oublier le goût du jeu et une fraicheur d’inspiration qui nous laissent encore songeurs.

Cet exercice de jeunesse refermé, vous êtes passé à autre chose et vous êtes devenu, dans un registre nettement plus adulte, l’une des valeurs sûres de la bande dessinée des années 80 et 90. Nous savons pourtant aujourd’hui qu’en dépit des Superwest, Squeak the Mouse et autres Joe Galaxy, aucun de nous n’a jamais oublié M le magicien…, signé chaque semaine d’un énigmatique « M.M. » qui en soi était déjà une promesse d’évasion.

Enchanteur, voilà ce que vous étiez, cher Massimo Mattioli, et ce soir je n’ai pas trouvé d’autre mot. Heureusement, c’est aussi, en français, un synonyme de magicien.

Nicolas Finet

Laisser un commentaire