Silence – Bienheureux les simples d’esprit

« Je mapel Silence é je sui genti. » Ainsi la première génération de lecteurs d’(À Suivre) découvre-t-elle, un an exactement après la naissance du magazine, le personnage muet imaginé par un auteur belge qu’alors on a encore peu lu : Didier Comès. C’est un choc. Personne n’oubliera de sitôt ce « taiseux » bouleversant, sa casquette, son regard limpide, son empathie pour la nature et les animaux. Le simplet du village portraituré avec le regard du cœur, si parfaitement candide que bientôt tout le désigne pour expier les coupables relations de l’amour et de la mort. Juste à côté de lui, ou plutôt tout autour, au plus près, se tient un autre personnage : la campagne, son souffle profond, son vieil esprit sorcier – et ça aussi, c’est une vraie nouveauté dans la bande dessinée du moment. L’ampleur très inhabituelle de ce long récit – 120 planches –, à l’unisson du temps et des rythmes paysans, accentue le sentiment d’immersion au cœur d’un ailleurs enraciné dans les tréfonds de la psyché humaine. Dépeint dans un noir et blanc étincelant qui imposera d’emblée Didier Comès comme l’un des maîtres de cette veine néo-réaliste, le destin tragique de cet humain totalement vrai nous touche par-delà les époques, pour ce qu’il nous dit d’universel sur notre innocence perdue.

Première apparition : (À Suivre) 13, février 1979.

(AS) 13 - Silence

 

Nicolas Finet

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