Tebo réenchante Mickey

Reprendre un personnage d’une telle envergure, avec toutes les contraintes commercialo-juridiques qu’implique aujourd’hui l’univers des licences, aurait aisément pu tourner à l’exercice de style. Tebo est parvenu à en faire un exercice de jubilation. Et de jubilation partagée : la sienne d’abord, partout perceptible dans cette démonstration d’appropriation réussie, et par voie de conséquence celle de ses lecteurs – toutes générations confondues, on y reviendra.

Mickey, donc. Largement 80 ans au compteur, et un statut mythique si écrasant qu’il en découragerait plus d’une bonne volonté. L’âge du personnage est pourtant la clé d’entrée de cet hommage enthousiaste : Mickey est désormais un vieillard, qui pour intéresser son arrière petit neveu Norbert (physiquement une copie conforme, en beaucoup plus jeune évidemment) lui raconte quelques-unes de ses aventures de jadis, du temps qu’il était un souriceau plein d’allant. Et c’est parti pour cinq récits courts au pas de charge, qui du Far West à la conquête des étoiles en passant par la Première Guerre mondiale ou l’époque de la Prohibition (du chocolat) permettent à Tebo d’évoquer, d’une manière alternative à l’habituel registre Disney, cette Amérique dont Mickey est finalement l’un des archétypes.

Le premier des publics visés est, bien sûr, le jeune public. On ne se fait pas beaucoup d’inquiétude pour la capacité des enfants à pénétrer dans ces histoires appétissantes, tant est manifeste le talent de Tebo pour faire vivre des récits à leur hauteur, débordants d’énergie et de clins d’œil souriants. Pourtant, comme toujours avec les albums jeunesse les plus réussis, quels que soient leurs sujets, l’atout décisif est ailleurs – en l’occurrence dans l’aptitude à plaire aussi (on n’ose pas dire encore plus) aux grandes personnes. Et là, quel régal !

On se délecte des versions enfantines de ces personnages pourtant mille fois vus, méchants compris (mention spéciale à l’indépassable Pat Hibulaire, dont la version Tebo est irrésistible), de cette capacité à rendre adorable le moindre ingrédient de ce monde tout en rondeurs. Pièces de choix de ce festival d’images attachantes : les visuels d’ouverture de chaque histoire, développés en pleine page sur un mode discrètement vintage, mais surtout la grande illustration en double page qui ponctue chacun des cinq récits de l’album, fourmillant de détails savoureux qu’on ne se lasse pas d’explorer.

L’épilogue de La Jeunesse de Mickey s’achève sur un appel du pied aux voyages temporels, l’astuce narrative qui historiquement a permis à la version française du personnage, dans Mickey à travers les siècles, de vivre la série d’aventures qui restent l’un des sommets de sa période seventies. La porte est entrouverte, il ne reste plus qu’à embarquer pour la suite du feuilleton. Chic !

  • La Jeunesse de Mickey, de Tebo (éditions Glénat, 80 pages, 17€)

Nicolas Finet

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