Xerxès, Darius, Alexandre et les autres

Un nouveau titre de Frank Miller, quel qu’il soit, n’est pas chose à prendre à la légère. Une fois n’est pas coutume, c’est Futuropolis qui s’y colle, avec ce drôle d’album qui, vingt ans après 300, prolonge l’immersion de Miller dans le monde antique. L’effet de surprise s’est dissipé, bien sûr. On ne peut pas, on ne peut plus être saisi comme on l’avait été naguère par l’interprétation que donnait l’artiste de la mythique bataille des Thermopyles. Avant même d’être entré dans Xerxès, on connaît déjà les personnages et les ambiances, on connaît le contexte historique. Et on sent d’ailleurs que Miller n’a pas forcément pour projet, ici, de mener à bien un projet aussi ambitieux que l’avait été naguère son grand récit spartiate. C’est plus décousu, moins tenu. Et chronologiquement un peu étrange : assez fouillé au départ avec l’épisode, lui aussi devenu canonique, de la bataille de Marathon (soit grosso modo les deux premiers chapitres), le récit semble ensuite s’amuser à sauter les décennies, quand ce n’est pas les siècles, de manière curieusement désinvolte (la narration peut alors ne se limiter qu’à quelques illustrations pleine page), comme si Miller avait au bout du compte décidé de ne plus vraiment s’intéresser à la trame de son sujet, pour ne plus se consacrer qu’aux ambiances et à la déco.

Reste un style, tout de même, toujours au croisement de l’épopée et du mythe. Il me semble que ce qui est toujours saisissant dans une histoire de Frank Miller, en écho à la puissance brute des images, c’est l’intensité rythmique de la narration. Une façon de scander le récit, comme un mantra ; mieux qu’un ton : une cadence, un balancement. Et c’est ce qui participe de la fascination, exactement comme on se laisse hypnotiser. Le format à l’italienne, façon cinémascope, sert efficacement la démonstration.

Sans minorer pour autant ni la virtuosité ni l’intensité graphique vitale. Il y a toujours chez Miller un côté capiteux, qui se conjugue à merveille avec l’énergie du trait. C’est barbare et sauvage, parfois déraisonnable et pourtant irrésistible, comme s’il maîtrisait des effets spéciaux de lui seul connus. L’empreinte d’un maître, quoi qu’on en dise.

 

Xerxès – La chute de l’empire de Darius et l’ascension d’Alexandre, de Frank Miller (Futuropolis, traduction Sidonie Van Den Dries, 120 pages, 20€)

Nicolas Finet

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