Et aussi dans l’actualité : Meurisse, Mezzo, De Moor

  • Scènes de la vie hormonale, de Catherine Meurisse (éditions Dargaud, 80 pages, 17,95€)

Où il est question d’amour et de sexe, à parts égales, ou comment faire beaucoup rire avec les élans du cœur et du cul. Un recueil réjouissant pour retrouver, rassemblées en un seul volume, ces chroniques de l’air du temps publiées par Catherine Meurisse presque chaque semaine dans Charlie Hebdo, au plus près de ces amants qui se cherchent et parfois se trouvent, et tellement loin du fracas du monde. Le trait est économe, efficace, accrocheur mais on retiendra surtout le talent de dialoguiste de l’auteure, comme son sens de la sortie qui tue : « Je veux jouir à mort, mais pas sur ta face de fion, pauv’ type, tu piges ? » (« Rut de rue », page 25), « Et aussi, j’ai un stérilet en cuivre, si tu vises bien quand tu me fais un cunni, tu peux jouer de la guimbarde ! » (« Mélomanie », page 58). Reiser pas mort.

  • Fuzz Book, de Mezzo (éditions Glénat, 224 pages, 39€)

Comme l’écrit Philippe Manœuvre dans la préface bien vue qu’il consacre à ce recueil, arrive un moment, dans un parcours d’artiste – et Mezzo en est un grand –, où pour peu qu’on prenne la peine de se retourner, « voilà que ça fait Œuvre. » On ne saurait mieux dire, tant le talent et l’exigence du regard suintent de chaque recoin de ce généreux pavé, parcouru de fantômes vaudous, de bestioles avides, de chimères furieuses et de musiciens hantés. Beautiful freaks à tous les étages, et Papa Legba reconnaitra bien les siens… Les plus anciennes illustrations de cette sélection datent des années 80, les plus récentes de quelques semaines à peine. C’est dire à quel point le monde selon Mezzo, d’une intensité et d’une cohérence peu communes, s’étend à nos pieds depuis toujours, là, tout près, juste au-delà du rebord de la table à dessin, avec cette universelle part d’ombre à laquelle il n’y a plus qu’à s’abandonner.

  • La Vie à deux, de Johan De Moor et Gilles Dal (éditions Le Lombard, 64 pages, 14,99€)

À lui seul, le dessin de la page de titre de La Vie à deux dit tout, ou presque : un chariot Ikea lesté de quelques cartons de meubles à assembler – en couple évidemment, le regard braqué sur un horizon commun radieux, forcément radieux. Dès lors, ne reste plus qu’à se laisser porter au fil des digressions de ce guide de survie en milieu sentimental, ou comment décortiquer par le menu, comme les deux auteurs l’avaient fait du sens de la vie un peu plus de deux ans auparavant dans Cœur glacé, ce mystère insondable à jamais incompréhensible : l’amour. Bonne nouvelle, l’exercice n’est ni cynique ni ricanant, mais relèverait plutôt d’une sorte de cousinage pataphysique. Le registre graphique (et typographique) singulier de Johan De Moor y est probablement pour beaucoup, qui manie comme personne les collages, assemblages, déconstructions et autres mises en abyme. Bonus : les hommages et clins d’œil visuels à grappiller en liberté au fil des pages, à commencer bien sûr par une vibrante déclaration à l’impérissable Krazy Kat de George Herriman. Une déclaration d’amour, cela va sans dire.

Nicolas Finet

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