La saga hip hop

Allez, je le dis. Hormis quelques exceptions historiques et probablement générationnelles comme Run-DMC (sans doute à cause de la présence des Toxic Twins, Steven Tyler et Joe Perry, dans la reprise de Walk This Way), De La Soul (pour l’affichage décalé et gentiment brindezingue), Snoop Doggy Dog, Puff Daddy (pour Come With Me, incroyable adaptation du Kashmir de Led Zeppelin), Dr Dre, Public Enemy (Fight The Power chez Spike Lee) ou le Wu Tang Clan, je ne crois pas avoir jamais été très réceptif aux univers du hip-hop, qu’il s’agisse de musique ou d’imagerie.

Et peut-être bien que c’est ce qui fait le prix, à mes yeux, du travail d’Ed Piskor dans la série Hip Hop Family Tree, dont l’excellent éditeur Papa Guédé vient tout juste de finaliser le tome 2, au début de l’été : réussir à me rendre parfaitement passionnante une odyssée collective que je m’imaginais être très, très loin de ma sphère d’intérêt. L’objet du délit est la séquence 1981 – 1983, période brève mais ô combien féconde qui verra éclore des talents aussi décisifs qu’Afrika Bambaataa, Grandmaster Flash And The Furious Five ou Run-DMC – sans oublier les talents graphiques qui signent les décors de l’époque, à l’image de Futura 2000, Basquiat et autres Keith Haring.

La manière compte certainement pour beaucoup dans l’adhésion presque immédiate que suscite le livre, dans ce registre graphique si singulier, presque improbable, quelque part à la confluence de Marvel et des histoires d’Harvey Pekar. Précis et incroyablement documenté, Piskor empile anecdotes, portraits d’artistes ou de producteurs et morceaux de bravoure, sans rien occulter des caractères un peu limite ou des excès auxquels ont pu parfois s’abandonner les uns ou les autres. C’est drôle, juste, parfois féroce, c’est de la micro-histoire à chaud comme pratiquement personne d’autre ne sait en faire. Bref, vivement la suite !

Mention spéciale au travail éditorial extrêmement soigné réalisé autour du titre : depuis Les Voix du Mississipi, le livre-somme de William Ferris sur le blues, on savait déjà jusqu’à quel point cette maison modeste et géniale, comme disait quelqu’un, poussait l’exigence de qualité. Voilà qui vient d’être utilement rappelé.

Hip Hop Family Tree 2 1981 – 1983, d’Ed Piskor (Papa Guédé Treasury Edition, 112 pages, 26€)

Nicolas Finet

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