- Le Goût du kimchi, de Yeon-sik Hong (éditions Sarbacane, 19,50€)
Yeon-sik Hong, que j’avais eu la chance de recevoir en plateau en France l’an dernier lors de l’édition 2016 du salon Livre Paris, dans le cadre de l’invitation officielle faite à la Corée du sud, invitée d’honneur, s’était déjà signalé aux publics de langue française avec le remarqué Histoire d’un couple, publié en 2013 aux éditions Ego Comme X. Il poursuit cette année le chemin d’une introspection sans tapage chez Sarbacane avec Le Goût du kimchi. Même format ample (plus de 350 planches), même tonalité paisible, presque détachée, pour une attachante chronique familiale faite de petits rien, mais interprétée cette fois dans un registre animalier (les personnages, humanoïdes, ont des visages de félins) qui, paradoxe qui n’en est pas un, nous rend ces personnages encore plus proches, encore plus humains. Ainsi que son titre le suggère, la cuisine dans tous les sens du terme – à la fois pratique alimentaire et culturelle et lieu géographique – y occupe une place centrale, essentielle, métaphore de ce que les générations qui parcourent cette histoire, parents, enfants, parentèle, ont en partage, comme un héritage qu’on se transmet. Le goût des choses simples et la vie comme elle va jour après jour, à hauteur d’homme exactement.
- The Ghost in the Shell – Edition Perfect, tome 1, de Shirow Masamune (éditions Glénat, 350 pages, 14,95€)
Avec Akira et quelques autres, ce récit de légende est en général considéré comme l’une des œuvres fondatrices du manga moderne. Ou plutôt devrait-on dire : fondatrices du manga technoïde et cybernétique moderne, tel que l’a rêvé une génération d’auteurs aujourd’hui plus très loin de la soixantaine (entre autres Otomo Katsuhiro, Kishiro Yukito et, donc, le très discret Shirow Masamune), nourris des questionnements de la science-fiction en général et du courant cyberpunk en particulier, dont l’essor littéraire initial, en Amérique du nord, est presque exactement contemporain de l’irruption de ces auteurs sur la scène japonaise de la bande dessinée. Imaginaire scientifique en liberté et interactions homme/machine à tous les étages, donc, pour cet ambitieux récit d’anticipation (on est en 2029) mettant en scène la traque tumultueuse et violente, par un cyborg féminin nommé Motoko Kusanagi, d’un mystérieux cybercriminel, le Marionnettiste, qui s’avèrera être une intelligence artificielle consciente d’elle-même et aspirant à l’incarnation. Un thème éminemment dickien, donc (qu’est-ce qu’un être humain ?), qui après Blade Runner et ses nombreux épigones confirme sa popularité audiovisuelle, puisqu’une version cinéma de Ghost in the Shell sort sur les écrans ces jours-ci, avec Scarlett Johansson dans le premier rôle et Takeshi Kitano en régional de l’étape. Concurremment à ce regain d’actualité cinématographique paraît chez Glénat, qui fut d’emblée l’éditeur de Ghost in the Shell en langue française, dès 1996, une nouvelle édition « perfect » du titre en trois volumes (les deux autres tomes annoncés respectivement le 7 juin et le 6 septembre de cette année), dont il faut saluer l’opportunité. Revue et augmentée par l’auteur, respectueuse de ses souhaits d’adaptation et reprenant le sens de lecture original (de droite à gauche), elle est truffée de notes de bas de page éclairant ses choix et le background de sa création. Cette VF inédite est présentée avec des rabats de jaquette en japonais (les deux textes, préface et postface, sont traduits en pages intérieures), également voulus par l’auteur. Ça fait son petit effet.
- Comment aborder les filles en soirée, de Neil Gaiman, Gabriel Ba et Fabio Moon (éditions Urban Graphic, 72 pages, 13€)
La signature de Neil Gaiman est presque toujours annonciatrice d’un bon moment, et le présent titre ne fait pas exception à la règle. Historiquement, How To Talk to Girls at Parties est une nouvelle publiée il y a une dizaine d’années, en 2006, dans le recueil Fragile Things, qui sera traduit un peu plus tard (2009) en français par l’écrivain Michel Pagel au Diable Vauvert (Choses Fragiles – Nouvelles et merveilles). Et qui devient donc, encore quelques années plus tard, un récit mis en images par les deux auteurs de Day Tripper (également chez Urban Comics), les jumeaux brésiliens Fabio Moon et Gabriel Ba. Peu de pages, peu de mots, mais partout un discret parfum d’onirisme dans le récit de cette rencontre d’un soir entre deux jeunes hommes et de somptueuses créatures féminines dont on s’apercevra, en dépit des apparences, qu’elle ne sont peut-être pas tout à fait humaines. C’est pudique, délicat, poétique – et joliment valorisé par un traitement graphique et chromatique accrocheur. Une transposition cinéma de la nouvelle de Gaiman est par ailleurs annoncée pour cette année, avec Nicole Kidman et Elle Fanning, dont le pitch est présenté comme suit par le site Imdb (c’est moi qui traduit) : « Un alien qui fait du tourisme dans la galaxie quitte son groupe et rencontre deux jeunes habitants du lieu le plus dangereux de l’univers : la banlieue londonienne de Croydon. »