Corto Maltese – Prince vagabond

Et si Corto Maltese avait préexisté à Hugo Pratt, avant même que celui-ci ne le laisse s’épanouir sous son pinceau ? Conjecture pas si absurde, tant le personnage, tout en tranquille assurance, en aisance fluide, nous laisse au fond le sentiment d’avoir toujours été là. Il y a plusieurs Corto, assurément, ou plutôt plusieurs facettes d’un être complexe –mais qui ne l’est pas ? Homme d’action, il le demeure encore lorsque s’amorce son épopée sibérienne avec la naissance d’(À Suivre), voire un peu voyou comme il savait parfois le laisser poindre dans « La ballade de la mer salée ». Mais sous l’aventurier on sent aussi s’épanouir, déjà, l’homme de culture et de mémoire en même temps que le séducteur sensible à la fugacité des destins. Des traits que Pratt, en biographe scrupuleux, laissera s’exprimer d’abondance au fil du temps qui passe. De là, peut-être, ce talent si particulier du marin maltais : savoir entrer en résonance intime avec l’histoire en marche et ses acteurs de chair et de sang, tout en cultivant une distance presque ironique avec l’immédiateté de l’événement. Et voilà comment Corto fascine ; il traverse le tumulte des passions humaines, détaché, aérien, et néanmoins laisse son empreinte, indélébile, à tous ceux qui l’approchent. Rappelez-vous, vous aussi qui l’avez connu : jamais vous ne l’avez oublié.

Première apparition : (À Suivre) 1, février 1978.

(AS) 3  Corto

Nicolas Finet

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