La SF de Leo

Passionné depuis toujours par la science-fiction (j’avais longuement abordé ce point avec lui lors de l’entretien vidéo qu’il avait eu la gentillesse de m’accorder il y a quelques mois et qu’on retrouvera sur ce même blog ici : https://nicolasfinet.net/seu-leo/), le Brésilien Leo a choisi une expression de la SF à laquelle il n’est pas si courant de voir des auteurs d’aujourd’hui adhérer – et s’y est tenu, porté par un succès étonnamment discret, mais durable (trois millions d’exemplaires, dixit son éditeur Dargaud, pour l’ensemble de la série constituée par la trilogie Aldébaran, Bételgeuse et Antarès, soit au total plus d’une quinzaine d’épisodes depuis son démarrage en 1994). Une science-fiction argumentée, solide, rationnelle – on serait tenté de dire logique –, proche de celle qu’en leur temps ont popularisé avec talent des auteurs comme Arthur Clarke en Grande-Bretagne ou Isaac Asimov aux Etats-Unis.

Il persiste et signe avec le démarrage d’un nouveau cycle, Retour sur Aldébaran, ou comment tenter la synthèse thématique de la majeure partie de son travail à travers la rencontre de son héroïne principale Kim Keller, protagoniste essentielle de la trilogie, avec un autre de ses personnages centraux, Manon Servoz, héroïne quant à elle de Survivants, branche annexe (mais plus tant que cela, désormais) à la trilogie.

Le volume qui débute relève surtout du traditionnel processus d’exposition. La rencontre entre les deux femmes s’effectue sur fond d’événements de portée planétaire (un contact formel, le premier du genre, entre une espèce extraterrestre évoluée, les Tsaltérians, et l’Humanité) qui se cristallisent rapidement en épisode de crise aiguë : un attentat contre Kim échoue de justesse et l’opinion publique humaine se braque contre les nouveaux venus, tandis que la « porte quantique » apparue sur Aldébaran, qui fondait en principe le rapprochement entre Tsaltérians et Humains, ne semble pas fonctionner comme on s’y attendait. On peut y entrer, certes, mais des créatures venues d’ailleurs semblent également en mesure d’en sortir, dans l’autre sens…

On voit bien ici en quoi Leo s’inscrit dans ce qui est désormais, pour la SF, une forme de tradition. Deux au moins des grands thèmes de l’âge classique sont au sommaire de l’histoire (le contact entre espèces astropérégrines et le portail entre les mondes), sans oublier, discrètement introduit en début de volume, mais pour l’heure un peu laissé de côté (parions que ce n’est que temporaire), l’idée moins classiquement traitée par les auteurs de SF d’une hybridation sexuellement féconde entre une humaine et un non-humain. S’y ajoute par ailleurs en fin de volume, sur une planète dont on ignore encore tout, mais dont on devine qu’elle va jouer un rôle important dans le nouveau cycle, l’un de ces variations animalières spectaculaires, quelque part entre néo-préhistoire et western tropical, dont Leo a fait l’un des principaux marqueurs visuels de son travail.

Comme toujours dans le cas d’un héritage revisité, l’intéressant sera de voir ce que Leo parvient à faire de son exercice de style. Le réinventer, le dépasser, le contourner – ou surprendre son monde en bifurquant sur l’inattendu ? À suivre, évidemment.

Retour sur Aldébaran – Épisode 1, de Leo (éditions Dargaud, 64 pages, 12,99€)

Nicolas Finet

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