Furuya par lui-même

L’air de rien, voilà une bonne douzaine d’années déjà que les publics francophones ont appris à connaître cet auteur atypique et passionnant, qui construit une œuvre après l’autre un chemin hors-norme dans l’univers de la bande dessinée japonaise. Je me souviens de La Musique de Marie, son premier titre traduit, à l’époque où Casterman, pour la deuxième fois en une dizaine d’années, faisait le choix de consacrer une collection dédiée (la première, qui avait révélé Taniguchi au milieu des années 90, s’intitulait Manga, la seconde était Sakka) aux auteurs japonais. Usamaru Furuya faisait partie de cette nouvelle vague, alors, aux côtés de pairs aussi éminents que Kiriko Nananan, Hiroaki Samura, Yoji Fukuyama ou Satoshi Kon.

Bien d’autres titres ont suivi depuis, qui tous témoignent de son talent singulier pour scruter de l’intérieur, pourrait-on dire, la vérité des âmes humaines, et mettre au jour quelques-uns de leurs élans fondamentaux – à commencer par le plus élémentaire de tous, peut-être : la pulsion de mort. Du Cercle du suicide à Je ne suis pas un homme, adaptation au scalpel du grandiose La Déchéance d’un homme d’Osamu Dazai, Usamaru Furuya a exploré cette faille, cette béance, sans complaisance mais sans détour non plus, afin d’en exhumer ressorts intimes et motifs cachés.

Un tout nouveau livre, Je voudrais être tué par une lycéenne (Delcourt / Tonkam), explore à son tour cette part d’ombre des humains que nous sommes, en accordant cette fois une place privilégiée à l’esthétique et aux rituels particuliers qu’a produits le monde japonais moderne, ainsi qu’à quelques-unes des souffrances psychologiques les plus complexes du monde contemporain : syndrome d’Asperger, troubles de la personnalité multiple, etc.

Ce diptyque d’une tenue irréprochable est-il le meilleur manga d’Usamaru Furuya traduit à ce jour ? C’est peut-être bien le cas. Voici quoi qu’il en soit un maître album, qui méritait largement que l’on sollicite son auteur pour en percevoir les rouages d’un peu plus près. J’ai eu la chance qu’Usamaru Furuya accepte cette demande et cette rencontre il y a quelques semaines à peine, à Tokyo. Qu’il en soit vivement remercié ainsi que Corinne Quentin, qui a traduit ses propos en français.

 

LCDL – BD NICOLAS FINET – INTERVIEW FURUYA from MEDIASHAKE on Vimeo.

Nicolas Finet

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